Pontalis, Jean-Bertrand
« Pontalis soutient la position que la condition du lecteur, comme celle de l’écrivain, n’est pas très éloignée de la pratique psychanalytique et qu’elle constitue une voie privilégiée d’accès à l’inconscient. Si le premier roman est publié en 1980, par la suite le rythme de ses publications littéraires s’accélère. Il n’est guère possible de tracer de solution de continuité entre écrits « littéraires » et travaux « scientifiques » car ici la fonction de la littérature prolonge, encadre et anticipe la pratique de la psychanalyse. Il est plus facile d’analyser une difficulté psychique complexe en passant par le biais de la fiction littéraire, ce qui conduit en retour à dire classiquement que les romanciers, assurément inspirés, sont plus en avance que les psychanalystes.
L’autre fonction, qui n’est pas la moins importante, est que l’écriture de fiction accompagne et favorise le travail d’auto-analyse qui s’impose à tout psychanalyste.
(…) Pour l’essentiel, Pontalis développe une forme d’écriture qu’il appelle « autographie » : ni journal intime, ni chronique, encore moins autofiction. Les livres sont composées par des séries de textes relativement brefs, au grand pouvoir évocateur. Il en a publié un grand nombre (L’Amour des commencements, prix Fémina-Vacaresco, 1986 ; L’Enfant des limbes, 1998 ; Fenêtres, 1999 ; En marge des jours, 2002 ; Traversée des ombres, prix Valéry Larbaud, 2003 ; Le Dormeur éveillé, 2004 ; Frère du précédent, prix Médicis essai, 2006 ; Elles, 2007 ; Le Songe de Monomotapa, 2009 ; En marge des nuits, 2010 ; Un jour le crime, 2011 ; Avant, 2012 ; Marée basse marée haute, 2013).
En outre, en 2012, il a publié, en collaboration avec Edmundo Gomez Mango, Freud et les écrivains qui, en quelque sorte, théorise la fonction de la littérature dans l’élaboration psychanalytique.
Enfin, en 2011, Pontalis a reçu le grand prix de littérature de l’Académie française. Dans cette forme d’écriture de soi, Pontalis note ses pensées, ses émotions et ses associations d’idées en rapport avec sa vie privée comme avec sa vie professionnelle. Favorisée par un réel talent d’écriture, cette lecture est passionnante. Si les psychanalystes y retrouveront un écho de positions subjectives déjà affrontées dans leur pratique clinique, le lecteur non analyste aura, sous une forme écrite, une représentation de l’auto-analyse d’un psychanalyste.
Il est particulièrement difficile aux psychanalystes de communiquer à propos de leur travail. Si les changements obtenus par la méthode psychanalytique sont difficilement compréhensibles pour les non-initiés et si seuls les initiés sont capables de comprendre ce dont il s’agit, ne sommes-nous pas devant un fonctionnement sectaire ? La lecture des textes littéraires de Pontalis apporte des éléments de réponse : le lecteur assistant à l’élaboration psychique nourrie de lectures, d’expériences de vie, des retours sur son enfance et son passé, des évocations nées au contact de ses patients, voit comment un analyste au travail élabore les événements de sa vie. De ce fait, cette lecture est sans doute l’un des rares moyens de percevoir de l’extérieur ce qu’est réellement la psychanalyse. »
In Un psychanalyste élégant disparaît, Samuel Lepastier
« Un livre c’est tangible, palpable, visible par d’autres : un objet. Une analyse ne sera jamais un objet. Elle n’a de réalité que pour le patient et l’analyste, qui la font advenir, exister. Ces deux usages de la parole me sont nécessaires : une parole sans autre support qu’elle-même et qui ne laissera d’autres traces qu’infimes, secrètes, non écrites dont le destin est de s’effacer ; et une parole qui, même si elle pressent qu’elle n’atteint pas ce qu’obscurément elle cherche, aboutit du moins à cet objet-livre. Qu’il soit précieusement conservé, cet objet, ou jeté dans la poubelle, ce n’est plus mon affaire. »
In Pontalis écrivain : les mots et les limbes. Nicole Mozet.
« Et, aux yeux de ma mère, qui étaient alors les miens »
In Pontalis, L’Enfant des limbes
« Pontalis est né et il est mort un 15 janvier, comme s’il avait souhaité entrer dans le temps circulaire (la « cinquième saison »), celui qui revient sans cesse, de la littérature. Il l’avait étrangement prévu dans En marge des nuits : « Je me souviens, écrivait-il, m’être fabriqué un secret : la mort me surprendrait le jour de mon anniversaire. Quand ? Je l’ignorais, mais ce serait ce jour-là. curieuse conviction qui me faisait confondre et pour ainsi dire marier la naissance et la mort. »
In Poétique du récit de Jean-Bertrand Pontalis Edmundo Gómez Mango. Le Coq-héron