Votre bureau tout au bout du couloir, deuxième porte à droite
Ce que l’orchestre peut nous apprendre de par sa disposition.
Dans la plupart des entreprises traditionnelles, les bureaux de direction occupent un emplacement stratégique. Dernier étage, aile consacrée, couloir autour duquel s’associent les fonctions les plus importantes de l’entreprise: membres du Comex, directions stratégiques, toute personne considérée comme importante par l’entreprise.
À l’inverse, on a pris pour habitude d’isoler les salariés à problèmes, ceux que l’on veut pousser à partir, les fonctions secondaires, les salariés sans ambition jusqu’à le remiser, parfois, dans des placards. On ne les voit presque plus; ils disparaissent de notre champ de vision; on ne leur propose pas de déjeuner, de verre le vendredi soir; on s’étonne presque de les croiser.
Et, comme par hasard, les résultats de ces collaborateurs isolés sont de plus en plus contestés. On les soupçonne de ne rien faire, de ne pas vouloir progresser. On en vient même à se dire qu’ils occupent la place d’un membre de notre équipe que l’on voudrait recruter en vain. Son travail est secondaire. Il ne sert à rien.
L’orchestre est tout aussi hiérarchisé. Pire même, avec ses premiers et seconds pupitres; ses solistes et ses tuttistes (tuttistes = ceux qui jouent tous ensemble, par opposition aux solistes); son chef à l’autorité incontestable (dans le sens qui n’a pas le droit d’être contestée); dans sa disposition qui semble figée depuis des siècles.
D’abord, ce n’est pas tout à fait vrai: il existe plusieurs dispositions de pupitres que des chefs d’orchestre ont expérimentées. Par exemple, en répartissant les contrebasses dans le fond plutôt qu’à droite du chef. Mais surtout parce que la plupart des orchestres pratiquent le placement libre parmi les tuttistes. Au philharmonique de Berlin, on n’hésite pas, par exemple, à placer un musicien expérimenté tout au fond, non par brimade, mais pour qu’il dynamise l’arrière du pupitre.
Imaginez la même chose en entreprise. Imaginez que ce petit bureau au fond du couloir ne soit plus celui du collaborateur à la fonction subalterne, mais le vôtre, le temps que ledit collaborateur s’imprègne, à votre place, de la dynamique du groupe, de la musique de l’entreprise. Le temps pour lui de reprendre confiance, de progresser, de se nourrir des autres, de se sentir au coeur des choses.
Et dans le même temps, gageons que l’occupation du bureau isolé par un collaborateur plus impliqué, plus dynamique, dans un pôle endormi, relégué de par sa géographie en bout de quelque chose contribuera à le faire rayonner de nouveau.
Rien de révolutionnaire, donc. Pas de séminaire, d’incentive, de gourou du « mieux vivre ensemble ».
Mais cette idée toute simple qu’il suffit parfois de changer de place, pour profiter de la contagion positive des êtres entre eux.