La caractérisation des personnages – L’or du Rhin
Parmi toutes les caractérisations possibles, le rusé tient une place de choix, notamment dans L’or du Rhin, l’opéra de Richard Wagner.
Dans son ouvrage de référence, L’anatomie du scénario, John Truby évoque la caractérisation des personnages en grands archétypes dont on trouve encore les échos dans des oeuvres contemporaines. On reconnaîtra parmi d’autres, la figure du Roi, du Guerrier ou du Magicien. Facilement identifiables dans les récits de science-fiction, on retrouvera facilement l’archétype du Roi dans le personnage de Don Corleone, le Parrain de Coppola par exemple.
La figure du rusé
Mais parmi toutes ces caractérisations (voyez l’intérêt de caractériser un personnage ici), il en est une particulièrement intéressante pour dynamiser votre récit : il s’agit de la figure du rusé. L’archétype du héros rusé, c’est Ulysse, « L’Homme aux mille tours » (chant I, vers 1), « l’Homme aux mille ruses » (chant X, vers 457). Plutôt que d’affronter frontalement ses ennemis comme le ferait un Hercule, il les contourne, les manipule et s’en sort par mille ruses.
Mais avant de lire Homère, c’est à travers Le Petit Poucet que nous découvrons la figure du rusé. Plus petit et plus jeune que ses frères, c’est lui qui les sauve pourtant d’une mort certaine. Dans le registre des contes, le chat du Chat botté est également un personnage plein de ruse – et un peu inquiétant.
Loge, le rusé dieu du feu de l’Or du Rhin
L’Or du Rhin, le premier volet de la tétralogie de Richard Wagner est, par sa nature même de conte mythologique, rempli d’archétypes. Roi, géants, Magicienne, Guerrier, Amoureux, nous les retrouvons tous pendant les longues, très longues heures qui composent cet opéra. Et donc également notre Rusé, Loge, le dieu (demi-dieu) du feu.
Wotan, le Dieu de dieux, lui a confié la lourde tâche de trouver une monnaie d’échange pour récupérer sa belle soeur vendue à des géants – ces mêmes géants qui ont construit le palais somptueux du Dieu et dont ils attendent désormais un salaire. Grâce à ses ruses, Loge finit par tromper l’ennemi, lui voler son or – oui, le fameux or du Rhin – et payer les géants.
Mais le problème avec ce genre de personnage, c’est que l’on n’est jamais sûr que leur ruse ne se retournera pas contre vous. Et c’est bien là tout l’intérêt de cet archétype ambivalent, apparemment dépourvu de force ou de talent, qui pourra passer du statut d’allié à celui d’antagoniste et vous offrir des occasions de coup de théâtre, de fracassants retournements ou même, de diffuser pendant tout votre récit, un pressentiment dramatique.
Pour ma part, je n’oublierai jamais le Loge de Patrice Chéreau dans la production anniversaire du Festival de Bayreuth de 1976, incarnation parfaite de l’insaisissable rusé dieu du feu.
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