Construire un récit

La ville dans laquelle se déroule Retour vers le futur est un excellent exemple d'arène

, 1 comment , , , ,

L’arène – Retour vers le futur

L’arène est le lieu dans lequel se déroule votre récit. Beaucoup plus qu’un simple décor, l’arène est plutôt un écosystème dans lequel l’ensemble des éléments sont étroitement liés les uns aux autres. Dans le cas de Hunger Games par exemple, le lieu où se passent les combats est nommé sans ambiguïté… l’arène.

La plupart du temps d’ailleurs, les récits de sciences-fiction soignent particulièrement leurs arènes. On connait les dessins de Tolkien et personne n’a oublié le Los Angeles du futur de Blade Runner.

[su_youtube url= »https://www.youtube.com/watch?v=l-dOXaMT4PY » width= »560″ height= »320″]

Parfois, l’arène est peu exploitée parce que l’histoire repose sur des éléments peu connectés avec l’environnement. Dans Quand Harry rencontre Sally, vous vous souviendrez sans doute que cette célèbre scène se déroule dans un restaurant parce que le fait même qu’elle se passe dans un lieu public la rend très embarrassante. Mais se souvient-on des autres lieux du récit ?

A l’inverse, des série comme Friends mettent en place dès le premier épisode et ce pour toutes les saisons, une arène unique dont nous ne nous lassons jamais.

Retour vers le futur

Retour vers le futur est un cas particulier d’une arène particulièrement bien exploitée. Le début de l’histoire se déroule dans la petite ville de Hill Valley en 1984. Après quelques rebondissements, le jeune Marty McFly se retrouve projeté dans la même ville en… 1955. C’est l’occasion pour les scénaristes de tisser des liens amusants entre les deux époques et nous y sommes d’autant plus attentifs que ces mêmes liens sont exploités comme des éléments clefs du scénario – dont l’écho se trouvera amplifié dans le second volet de l’histoire.

Que ce soit en 1984 ou en 1955, l’histoire des personnages est intimement reliée à la petite ville de Hill Valley qui reste, à ce titre, gravé dans la mémoire des spectateurs.

[su_youtube url= »https://youtu.be/AmZ3AUvNYHQ?t=111″ width= »560″ height= »320″]

 

Vous écrivez? Je donne des cours d’écriture créative

La caractérisation des personnages se fait dès les premières minutes du film A couteaux tirés

, 1 comment ,

La caractérisation des personnages – À couteaux tirés

Souvent, vous n’aurez pas assez de toute une histoire pour caractériser votre personnage, d’en explorer toutes les facettes. Mais parfois, vous aurez besoin de le faire rapidement. 

Dans les récits policiers classiques, les protagonistes sont souvent caractérisés de manière très explicite. Dès les premières images, ou les premières lignes, on sait à qui on a affaires, car nous avons besoin d’informations très claires sur la personnalité du personnage pour tenter de deviner s’il ferait un bon coupable. Quitte d’ailleurs à ce que ce même personnage – et donc son auteur – nous manipule. L’effet du retournement sera d’autant plus fort que nous aurons cru en sa caractérisation. Nous avons besoin de nous dire Ok, c’est lui le méchant et elle la fourbe. Cela participe du jeu.

A couteaux tirés

Le film A couteaux tirés, sorti en 2019 est, à ce titre, exemplaire. Chaque personnage est présenté avec une telle efficacité que l’on s’en fait une idée immédiatement. Cela tient à la fois des dialogues, mais aussi du casting et de la mise en scène et, bien sûr, de l’interprétation. 

Voyez par exemple l’arrivée de Ransom Drysdale. En quarante-six secondes, on classe le personnage dans la catégorie des odieux arrogants. Notre jugement est fait. Sera-t-il définitif ?

La caractérisation rapide et explicite peut être également utilisée pour la présentation des personnages secondaires. Par définition, ils ont moins de temps et de place pour s’exprimer. Il faut donc aller au plus efficace, sans quoi le protagoniste risque d’être bien fade et ses interventions sans grand intérêt.  

PS : dans Angel Heart, les scènes avec Robert de Niro, personnage secondaire du film, ont été réalisées à part. Il a fallu toute la puissance du jeu de l’acteur, mais aussi du réalisateur pour lui donner une présence inoubliable. 

[su_youtube url= »https://youtu.be/FcGP4c3BXRc?t=90″ width= »560″ height= »320″]

 

Vous écrivez? Je donne des cours d’écriture créative

Dans Alien, c'est un invident déclencheur d'origine externe qui lance l'action

, 0 comments

L’incident déclencheur externe – Alien

L’incident déclencheur est probablement l’un des outils scénaristique le plus connu. Peut-être parce que nous en vivons tous dans notre quotidien. Une séparation ou un décès par exemple, va modifier le cours de nos vies et nous inciter à prendre une autre direction.

En fiction, il existe pratiquement toujours un élément qui va briser une routine ou un équilibre et révéler le personnage principal. Cela implique que pour que cet élément déclencheur soit compris du lecteur, la routine doit avoir été présentée au préalable.

Alien – 1979

Dans le premier volet de Alien, les séquences d’ouverture nous montrent assez longuement un vaisseau spatial endormi. C’est la routine, l’équilibre.

NT. OILY CORRIDOR - "C" LEVEL

        Long, dark.
        Empty.
        Turbos throbbing.
        No other movement.

        INT. CORRIDOR - "A" LEVEL

        Long, empty.

        INT. INFIRMARY - "A" LEVEL

        Distressed ivory walls.
        All instrumentation at rest.

        INT. CORRIDOR TO BRIDGE - "A" LEVEL

        Black, empty.

Et puis, tout à coup, quelque chose survient.

L’écran, qui était noir, s’allume bruyamment. Des informations sont transmises au pilotage automatique et le vaisseau, comme l’équipage, se réveille. C’est l’incident déclencheur.

Dans le cadre de cette histoire, l’élément déclencheur est qualifié d’externe dans la mesure où il ne dépend pas du protagoniste. Il le subit et devra adapter ses décisions en conséquence. D’ailleurs, à ce niveau du récit, il n’y a pas encore d’individus, mais plutôt une équipe. L’élément déclencheur touche tous les personnages, ce qui est souvent le cas dans les films catastrophes.

Dans tous les cas, à cet instant, l’histoire est lancée. Le film a vraiment commencé.

PS: Pour les spectateurs les plus attentifs, un élément de préparation est glissé dans les premières images. En indiquant que l’équipage est constitué de sept membres, on prépare l’arrivée du huitième…

Vous écrivez? Je donne des cours d’écriture créative

En criant "Je veux la jeunesse", Faust formule clairement son objectif

, 3 comments , ,

La définition de l’objectif – Faust

Tous les professeurs en écriture de scénario s’accordent sur ce point : pour intéresser votre audience, vos personnages doivent avoir un objectif, sans lequel on aura du mal à s’intéresser à leur récit.

Quel que soit cet objectif qui dépendra de l’histoire que vous voulez raconter, il doit être compris sans ambiguïté. Sa révélation lance l’action et permet de d’ouvrir la question « le personnage arrivera-t-il à atteindre son objectif ? » et par là, créer du suspens. Exemples :

  • Ce soldat de la guerre du Vietnam parviendra-t-il a retrouver un colonel perdu en pleine jungle ? Suspens.
  • Ce jeune homme coincé dans le passé arrivera-t-il à revenir en 1984 ? Suspens

Plus vous serez clair sur cet objectif, mieux vous pourrez structurer votre récit.

Faust

La Damnation de Faust est, à ce titre une excellente illustration.

Faust a désormais défini son objectif

Voici comment l’objectif du protagoniste est présenté dans l’opéra de Gounod : le Docteur Faust est à sa table de travail et songe au suicide. Tout l’indiffère et il en appelle à Satan pour l’aider.

Le Diable apparaît et après quelques échanges, il lui pose sans ambiguïté la question:

Méphistophélès
Mais dis-moi d’abord
Ce que tu veux; — est-ce de l’or?

Le Ce que tu veux équivaut à une demande d’objectif, et, de manière à graduer le désir de Faust, le librettiste a mis dans la bouche du Diable plusieurs objectifs que le Docteur va repousser avec dédain:

Faust
Que ferais-je de la richesse?

Méphistophélès
Bien! je vois où le bât te blesse!
Tu veux la gloire?

Faust
Plus encor!

Méphistophélès
La puissance?

Voilà le bon Docteur poussé dans ses retranchements. Il va pouvoir exprimer sans ambiguïté son désir:

Faust
Non! je veux un trésor
Qui les contient tous!… je veux la jeunesse!

La jeunesse… Impossible pour nous de passer à côté. L’objectif sonne avec d’autant plus de puissance qu’il a été préparé avec évidence. Faust a exprimé un désir que le Diable va immédiatement exaucer… pour son malheur, bien sûr.

Pour écouter / voir l’extrait cité.

PS: le cas de Faust est cependant particulier dans la mesure où il atteint son objectif – la jeunesse – dès le début de l’histoire et, apparemment, sans difficulté – bon, il a quand même vendu son âme au Diable. Dans les récits plus linéaires, l’atteinte de l’objectif arrive au 2/3 du récit et après nombreuses péripéties. Dans Faust, c’est finalement l’atteinte de l’objectif qui est le début de l’histoire.

Vous écrivez? Je donne des cours d’écriture créative

La préparation des événements dans le récit

, 2 comments

La préparation – Nous nous sommes tant aimés

Dans son livre de référence Construire un récit, Yves Lavandier insiste sur la  préparation des événements de votre histoire, de sorte que le spectateur s’y attende, même inconsciemment, évitant ainsi les deus ex machina, ces moments du récit où l’on sent l’intervention de l’auteur.

Nous nous sommes tant aimés

La préparation des événements dans le récit

Le film d’Ettore Scola Nous nous sommes tant aimés, tourné dans les années 70, présente un magnifique exemple de ce type de préparation.

Dès l’ouverture du film, Scola nous montre trois personnages s’extrayant avec difficulté d’une minuscule voiture dont on devine qu’il s’agit d’une Fiat 600 – que l’on nommait à l’époque pot à yaourt. La scène est rejouée plusieurs fois à l’identique, procédé qui a un peu vieilli, mais qui nous donne l’opportunité d’enregistrer mentalement la voiture dont le pare-choc est abîmé.

L’histoire

Flash-back de 30 ans, le film remonte le temps et on oublie la Fiat…
Le scénario déroule l’histoire de trois amis aux parcours ponctués de mensonges, d’amitiés, d’amours et de désillusions. L’un deux, Nicola, personnage tempétueux, sacrifie sa vie de famille pour ses idéaux politique pas toujours clairs. Au milieu du film, on commence à craindre qu’il ne parvienne jamais à les réaliser. Mais ses extraordinaires connaissances en matière de cinéma vont peut-être enfin lui servir. Participant à un jeu télévisé, le voilà tout proche de gagner plus d’un million de lires et offrir à sa femme et son fils une vie descente. On sent que l’existence du  personnage est prête à basculer, ce que l’on souhaite de tout coeur avec lui. Il ne lui reste qu’une seule question quitte ou double. Va-t-il l’emporter ?

Le paiement de la préparation

Avant de le savoir, l’animateur rappelle que s’il se trompe, Nicola perdra tout l’argent mais gagnera, en lot de consolation… une Fiat 600. Le spectateur se souvient alors des premières images et sait, avant même les personnages, que Nicola va perdre.  Cette préparation et le fait de savoir quelque chose avant les protagonistes – ce que Yves Lavandier nomme « l’ironie dramatique » – crée chez le spectateur une émotion très forte.

C’est un des outils les plus puissants mis à la disposition de l’auteur pour créer de l’empathie vis à vis de ses personnages.

Bravo maestro !

Nous nous sommes tant aimés – Ettore Scola – 1974

En 1945, trois amis qui ont pris part à la Résistance italienne célèbrent la chute du fascisme et la fin de la guerre. La République remplace la monarchie et tous trois poursuivent leur chemin séparément…

Vous écrivez? Je donne des cours d’écriture créative

«‹ 2 3 4 5