L’objectif caché – A history of violence

La technique de l’objectif caché consiste à laisser le lecteur ou le spectateur le trouver tout seul

Nous avons vu dans des articles précédents que la formulation par un personnage d’un objectif le désigne non seulement comme personnage principal mais lance également l’action, et par là, l’acte II. Vous pouvez très bien écrire une histoire sans objectif, mais vous rendez l’identification au personnage principal plus difficile. En fixant un objectif à votre protagoniste, vous posez la question dramatique dans l’esprit de votre lecteur : parviendra-t-il à atteindre son objectif, oui ou non.

A history of violence

Ce film présente une variation qui a un impact important sur le récit (source)

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ACTE I

Deux hommes sortent d’un motel isolé pour reprendre la route dans la chaleur d’une matinée très ensoleillée.  Comme le plus jeune a oublié de prendre de l’eau pour le voyage, il pénètre à l’intérieur du motel où le gardien et la femme de ménage ont été tués. L’homme assassine de sang-froid une fillette qui avait survécu au massacre.

Nous sommes d’emblée plongés dans le pressentiment dramatique qui nous fait anticiper la suite avec angoisse.

Transition dans la chambre à coucher d’une autre petite fille, réveillée par un cauchemar (elle a vu des « monstres »). Dans ce coin tranquille du Midwest, une famille unie et aimante, deux enfants, Sarah et Jack, Edie, une mère jeune et jolie, avocate, amoureuse de son mari, Tom, un père affectionné et paisible qui tient un petit restaurant dans la bourgade toute proche. La maison est chaleureuse et ordinaire, loin des habituelles habitations « au cordeau » américaines. C’est l’arène qui contribue à asseoir une normalité qui prendra tout son sens plus tard.

A history of violence

Une scène, assez longue, nous montre le couple en train de faire l’amour selon un scénario inventé par Edie, l’épouse entreprenante. C’est une préparation.

En parallèle, Jack, le fils de Tom exprime avec beaucoup de courage son objectif : non il ne cédera pas à a violence. Dans la mesure où il est le seul à l’avoir fait, on a alors tendance à le prendre pour le personnage central. A ce niveau du récit, on peut se demander si « l’histoire de violence » ne le concerne pas au premier chef.

Mais l’incident déclencheur va donner une autre orientation.

Les deux assassins débarquent dans le restaurant du héros pour le braquer, prennent une serveuse en otage, avant de se faire tuer dans une éruption de violence inouïe, par Tom Stall. C’est l’élément déclencheur qui lance l’action et l’acte 2.

ACTE II

Célébré comme un héros par la télévision nationale, Tom Stall fait la une des journaux, ce qui semble le gêner. Le pressentiment dramatique initié dès le début du film et par le titre nous fait douter de l’honnêteté de Tom.

Un histoire de la violenceNotre héros voit bientôt débarquer dans son restaurant l’impressionnant Carl Fogarty en limousine noire, œil crevé et balafre sur la joue qui prétend le connaître de longue date sous le nom de Joey Cusack. Tom nie mais le doute s’immisce chez sa femme Edie, et chez le spectateur…

Carl Fogarty ne désarme pas quoique sommé par le shérif de quitter la ville. Il va même jusqu’à menacer la femme de Tom dans un centre commercial. Avocate, Edie, l’alliée du héros, obtient une interdiction de séjour à l’encontre de l’antagoniste.

Pendant ce temps, Jack, le fils de Tom qui s’était fixé comme objectif de ne pas céder à la violence finit par casser la figure à son ennemi Bobby. Il apporte ainsi une première réponse à la question dramatique du film : peut-on (ou doit-on ?) résister à la violence ? De retour à la maison, le père et le fils se disputent si bien que Tom finit par gifler Jack. La véritable personnalité du héros semble se dévoiler progressivement, d’autant que Tom finit par tuer les deux membres de la pègre chargés de le ramener auprès de leur boss. Dans l’action, Tom sauve son père en tirant sur un troisième acolyte.

Tom ne peut plus cacher à sa femme son passé de tueur et nous dévoile enfin son objectif : tourner définitivement la page et vivre une vie sans violence. Techniquement, le héros possédait donc un objectif très clair qu’il avait formulé avant le début du film et même atteint. Le script raconte donc l’histoire d’un homme dont l’objectif est de respecter… son objectif.

Plus tard, Tom et Edie font l’amour avec brutalité, acte qui fait écho à celui, plein d’amour et de fantaisie du premier acte grâce à la préparation. La violence s’infiltre désormais dans tous les liens.

Une nuit, le téléphone sonne : c’est Richie, le frère de Tom qui lui demande de le rejoindre. Celui-ci part immédiatement pour Philadelphie. Or, sous la pression de ses patrons mafieux, Richie a promis de se débarrasser de son frère. Pourtant Tom réussit à s’échapper et c’est lui qui tue un à un les quatre hommes de main de Richie avant d’abattre ce dernier, incrédule, d’une balle dans la tête. Au petit matin, il se lave dans la rivière.

Tom peut alors rentrer chez lui, où Edie accepte son retour… (objectif atteint. Fin de l’acte II)

ACTE III

…dans un échange de regard énigmatique. Fin de l’histoire.

L’acte 3, censé raconter la vie du héros une fois son objectif accompli (ou abandonné) est ici exceptionnellement court. Quelques secondes à peine. L’échange de regards traduit dans une fin quasi ouverte ce que sera sa vie désormais.

CONCLUSION

Le fait de dissimuler l’objectif jusqu’à la moitié du récit est une variante intéressante de la construction narrative. Mais elle perd de son impact avec le pressentiment dramatique qui nous la fait deviner. La révélation est sans réelle surprise. Dommage collatéral, on s’attache peu au personnage qui m’a semblé un peu distant de son rôle, peu incarné, pas très intéressant en définitive. Son absence de profondeur n’est pas compensé pas les scènes de tuerie. Le film porte bien son nom : ce n’est qu’une histoire de violence.

A history of violence est, à mon sens, une première version très réussie du film du même réalisateur qui viendra ensuite : Les promesses de l’ombre dont on parlera une autre fois.

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