La préparation – Nous nous sommes tant aimés
Dans son livre de référence Construire un récit, Yves Lavandier insiste sur la préparation des événements de votre histoire, de sorte que le spectateur s’y attende, même inconsciemment, évitant ainsi les deus ex machina, ces moments du récit où l’on sent l’intervention de l’auteur.
Nous nous sommes tant aimés
Le film d’Ettore Scola Nous nous sommes tant aimés, tourné dans les années 70, présente un magnifique exemple de ce type de préparation.
Dès l’ouverture du film, Scola nous montre trois personnages s’extrayant avec difficulté d’une minuscule voiture dont on devine qu’il s’agit d’une Fiat 600 – que l’on nommait à l’époque pot à yaourt. La scène est rejouée plusieurs fois à l’identique, procédé qui a un peu vieilli, mais qui nous donne l’opportunité d’enregistrer mentalement la voiture dont le pare-choc est abîmé.
L’histoire
Flash-back de 30 ans, le film remonte le temps et on oublie la Fiat…
Le scénario déroule l’histoire de trois amis aux parcours ponctués de mensonges, d’amitiés, d’amours et de désillusions. L’un deux, Nicola, personnage tempétueux, sacrifie sa vie de famille pour ses idéaux politique pas toujours clairs. Au milieu du film, on commence à craindre qu’il ne parvienne jamais à les réaliser. Mais ses extraordinaires connaissances en matière de cinéma vont peut-être enfin lui servir. Participant à un jeu télévisé, le voilà tout proche de gagner plus d’un million de lires et offrir à sa femme et son fils une vie descente. On sent que l’existence du personnage est prête à basculer, ce que l’on souhaite de tout coeur avec lui. Il ne lui reste qu’une seule question quitte ou double. Va-t-il l’emporter ?
Le paiement de la préparation
Avant de le savoir, l’animateur rappelle que s’il se trompe, Nicola perdra tout l’argent mais gagnera, en lot de consolation… une Fiat 600. Le spectateur se souvient alors des premières images et sait, avant même les personnages, que Nicola va perdre. Cette préparation et le fait de savoir quelque chose avant les protagonistes – ce que Yves Lavandier nomme « l’ironie dramatique » – crée chez le spectateur une émotion très forte.
C’est un des outils les plus puissants mis à la disposition de l’auteur pour créer de l’empathie vis à vis de ses personnages.
Bravo maestro !
Nous nous sommes tant aimés – Ettore Scola – 1974
En 1945, trois amis qui ont pris part à la Résistance italienne célèbrent la chute du fascisme et la fin de la guerre. La République remplace la monarchie et tous trois poursuivent leur chemin séparément…
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