Le méchant – The Equalizer
Le cinéma et la littérature regorgent de méchants. Mais peu nombreux sont ceux qui parviennent à nous faire peur vraiment.
The Equalizer n’est probablement pas le film le plus intéressant de cette sélection. Mais ses défauts permettent justement de rendre plus visible sa structure et servent pas conséquent l’objectif de ce blog: vous donner des conseils techniques pour vous aider à construire votre récit.
L’histoire
ACTE I.
Robert McCall, insomniaque et veuf, travaille dans un magasin de bricolage à Boston. Serviable, calme et affable il est apprécié par ses collègues. Il aide l’un d’eux à devenir agent de sécurité, bien qu’il soit en surpoids. La nuit, il s’installe dans le même snack-bar pour lire un roman de « la liste des cent romans qu’il faut avoir lus » en buvant du thé. Il y rencontre Alina, jeune prostituée russe, qui désire devenir chanteuse. Ils sympathisent. Une nuit, alors qu’elle discute avec lui, elle refuse de répondre à un appel téléphonique de son proxénète russe Slavi. Robert la raccompagne et sur le chemin, la voiture de Slavi se gare à leur hauteur. Slavi force Alina à monter dans la voiture en l’insultant. Robert n’intervient pas. Croyant que c’est un client, Slavi lui donne sa carte de visite et lui suggère de le recontacter pour une autre prostituée.
🖊 Pour marquer un contraste fort avec l’acte II, le scénariste a appliqué à la lettre la fonction du premier acte : montrer le héros dans sa routine. Nous assistons donc, assez longuement, aux répétitions des mêmes journées au cours desquelles tout est réglé au millimètre.
ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR.
Plus tard, Robert apprend qu’Alina est en soins intensifs à l’hôpital car elle a été tabassée. Il se rend à l’hôpital et aborde une autre prostituée russe qui lui explique que c’est Slavi qui a mis Alina dans cet état. Robert se rend alors dans le bureau de Slavi, entouré de ses hommes. Il lui propose 9 800 $ pour acheter Alina. L’homme refuse son offre avec mépris. De manière spectaculaire, Robert les tue tous en quelques secondes.
🖊 Cette scène est vraiment impressionnante en ce qu’elle contraste fortement avec le quart d’heure précédent. Elle cumule plusieurs fonctions qui contribuent à lancer le film. Il s’agit tout d’abord, nous le pressentons, d’un point de non retour. L’acte que notre héros a commis sera lourd de conséquences. Ce qui, d’ailleurs, ne semble pas l’affecter.
Ensuite, cette scène caractérise d’une manière jubilatoire le personnage : Robert n’est pas seulement bienveillant, il est aussi incroyablement fort. Premier écueil cependant: la toute puissance du héros ne crée pas d’empathie. On est vraiment impressionné par ses capacités. On se réjouit qu’il soit parvenu à tuer les méchants. Mais, à ce stade, le personnage n’est pas très intéressant.
Autre technique intéressante: la mort du faux méchant. Ou plus précisément, du méchant qui en cache un autre. Slavi mort, le vide doit être comblé. L’ACTE II peut commencer.
LE VRAI MÉCHANT.
En Russie, le chef du réseau, Vladimir Pushkin, envoie Teddy, son homme de main, pour enquêter sur la mort de Slavi et redémarrer ses affaires à Boston. Après avoir fait acte de violence contre un chef de mafia adverse, Teddy remonte la piste qui le mène à Robert, tente de l’attraper et échoue. Robert déjoue tous les pièges et tue un à un, les hommes de main de Teddy
🖊 Voici donc le vrai méchant, celui avec lequel notre héros va devoir se confronter jusqu’à la mort de l’un des deux. Comme le scénariste n’a pas préparé son arrivée, il convient de le caractériser assez vite. Il utilise pour cela une scène d’action très brutale, au cours de laquelle le méchant tabasse un chef mafieux. La scène ne sert pas à grand chose, sauf à montrer sa violence et par là, le caractériser. Pour en rajouter, on découvre que le corps de Teddy est couvert de tatouages inquiétants.
Le problème, c’est que Teddy est probablement très méchant, mais il ne nous fait pas peur. Il ne diffère en rien des autres hommes de main. Il est juste un peu plus malin, mais seulement parce que le scénariste lui a donné plus d’intuition.
En parallèle, la toute puissance de Robert commence à nous lasser. Son absence de faille affaiblit l’enjeu. On est presque sûr qu’il va remporter la bataille.
A ce stade, il est intéressant de se placer du côté opposé et de considérer Robert comme l’adversaire – du point de vue des méchants justement, qui, pour l’exercice seront « nos gentils ». Robert incarne alors l’antagoniste insipide, la machine de guerre, le robot extrêmement puissant mais sans grand intérêt. On est loin d’un terrifiant Anton Chigurh.
Suite et fin de l’ACTE II.
Après quelques scènes d’action, Teddy prend en otage des employés du magasin de bricolage où travaille Robert pour l’obliger à se rendre. Notre héros vient délivrer ses collègues, et tue un par un tous les méchants, Teddy en dernier. Robert se rend en Russie et tue Vladimir Pushkinen en l’électrocutant dans sa salle de bain.
🖊 On aurait bien aimé que Teddy ne soit pas le méchant définitif, et que sa disparition révèle le véritable antagoniste. Mais la scène est expédiée en quelques minutes. Robert ne rencontre aucun obstacle à la réalisation de son objectif, ce qui nous le rend parfaitement insipide.
ACTE III.
Robert a rempli son objectif : il a tué tout le monde. Il retourne à sa routine. A ce stade du récit, le personnage devrait avoir changé, et l’histoire nous montrer son évolution. Il n’en est rien. Robert est redevenu le même qu’au moment de l’Acte I. Ce n’était qu’une parenthèse, un retour provisoire sur ce qu’il a été.
En revanche, Alina, la prostituée russe du début, ressort transformée de l’histoire qu’elle n’a pas vécu, puisqu’elle était à l’hôpital. Libérée de l’emprise de la mafia, elle commence une nouvelle vie. C’est une autre femme. D’ailleurs, elle est méconnaissable sans son maquillage ni sa perruque.
Et c’est peut-être le seul intérêt du scénario: avoir déporté la transformation du personnage principal sur un personnage secondaire.
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