La définition de l’objectif – Thérèse Raquin
Peut-il y avoir une suite au récit lorsque le personnage principal a atteint son objectif ?
Nous l’avons vu dans des publications précédentes : pour intéresser vos lecteurs, votre héros doit formuler sans ambiguïté un objectif à atteindre. Faust s’écrit « Je veux la jeunesse » et Ulysse exprime sa volonté de retourner dans sa patrie. Mais si la formulation lance l’action, elle la clôt aussi.
Les comédies romantiques perdent tout leur sel lorsque les protagonistes qui n’avaient cessé de se fuir finissent dans les bras l’un de l’autre. L’objectif est atteint, la vie continue mais l’histoire s’arrête.
Dans Quand Harry rencontre Sally, l’objectif pour nos deux héros n’est pas de coucher ensemble, mais que Harry qu’ils s’avouent amoureux. Aussi l’histoire peut elle continuer lorsque les protagonistes passent une nuits tous les deux. Mais pas lorsque Harry fait sa déclaration.
Thérèse Raquin
Un cas particulièrement intéressant est celui de Thérèse Raquin, un roman écrit par Zola en 1867. Si vous ne l’avez pas lu, attention ce qui va suivre dévoile l’intrigue.
Thérèse a pris l’habitude depuis l’enfance de taire ses goûts et des dégoûts en affichant une apparente placidité. Élevée par sa tante aux côtés de son cousin Camille, chétif et malade, elle finit par l’épouser. Le couple et la tante partent à Paris, s’installent dans une boutique mais Thérèse se sent vite prisonnière de cette vie triste et monotone… jusqu’au jour où elle tombe amoureuse de Laurent, dont le physique et la manières la font frémir. La passion violente qui naît entre eux les pousse à se débarrasser de Camille. Leur objectif : se marier et vivre au grand jour leur passion.
Sauf que… Sauf que leur objectif atteint, enfin mariés officiellement et insoupçonnables du meurtre qu’ils ont commis, ils sont incapables de le vivre pleinement. Zola écrit
« Ils croyaient être avant le meurtre, lorsqu’un obstacle matériel se dressait devant eux. Puis brusquement, ils se rappelaient qu’ils coucheraient ensemble, le soir, dans quelques heures; alors ils se regardaient étonnés, ne comprenaient pas pourquoi cela leur était permis. Ils ne sentaient pas leur union, ils rêvaient au contraire qu’on venait de les écarter violemment et les jeter loin de l’autre ».
Non seulement, les amants criminels n’ont plus d’objectif mais plus d’obstacles non plus. Plus loin, Zola continue :
Laurent, pendant plus de quinze jours, se demanda comment il pourrait bien faire tuer de nouveau Camille.
Et c’est vraiment là tout le génie de Zola que d’avoir fait de l’atteinte même de l’objectif le fruit des tourments des personnages.
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